Expédition Pôle Nord Magnétique

Article (questions réponses) paru dans le journal  de la patrouille canadienne de ski "InfoZone Zone Laurentienne" . Ce journal est un véhicule d'informations destinés aux membres de la patrouille canadienne de la Zone Laurentienne.
Article rédigé par Jacques Gourmelen (jgourmelen@syscan.com)

Bruno Thibault un patrouilleur qui n’a pas froid aux yeux
et qui ne perd certainement pas le Nord…

 
Salut Bruno.  Avant de parler de ta future expédition qui te conduira au pôle Nord magnétique au printemps prochain, j’aimerais te poser quelques questions à propos de ton rôle au sein de la patrouille.  Depuis combien de temps es-tu membre de la patrouille canadienne de ski et quelles sont les motivations qui t’y ont conduit ?

Je suis membre de la patrouille depuis 1981, toujours à la section nordique et à l’auberge du P’tit Bonheur.  Ce qui m’a conduit dans la patrouille, c’est ma passion pour le ski nordique.

Au cours de ces nombreuses années de patrouille quels sont les événements qui t’ont le plus marqué et dont tu aimerais nous faire part ?

Mes premières années alors que nous ne savions pas encore à quoi allait ressembler la patrouille nordique. C’était un petit qui devait grandir et nous devions modeler les bases.  J’ai vraiment “ trip頔 à développer, à inventer, à essayer ; Il fallait être visionnaire.  J’y ai mis du temps, de l’énergie, du plaisir et cela a fonctionné.  Aujourd’hui, j’ai le privilège d’observer la patrouille nordique continuer à cheminer tout en faisant une chose que j’aime beaucoup, c’est à dire, simplement patrouiller.

Parlons maintenant de ton projet d’atteindre à skis le pôle Nord magnétique et ce en autonomie totale.  Peux-tu tout d’abord expliquer ou rappeler à nos lecteurs la différence entre le pôle Nord géographique et le pôle Nord magnétique et pourquoi avoir opté pour ce dernier ?

Les pôles géographiques, le nord et le sud, sont les axes de rotation de la terre.  Quant aux pôles magnétiques, nord et sud, ce sont les points d’intersection avec la surface terrestre du champ magnétique qui traverse notre planète.  Ce sont les pôles magnétiques qui attirent l’aiguille aimantée des boussoles dans leur direction, nord ou sud, tout dépend dans quel hémisphère on se trouve.

Si je ne me trompe, vous serez trois à prendre part à cette aventure.  Peux-tu nous dire quelques mots à propos de tes coéquipiers ?

Carlo Ianni, vous l’avez sans doute deviné, est italien !  Il est venu planter ses tomates à Rosemère, il y a environ trente ans et comme par hasard, il s’est enraciné avec !?  Mais, il fait du bon vin, alors ça excuse bien des choses.  Carlo a déjà fait une tentative au pôle Nord géographique et possède une carte de route très impressionnante.  Nous avons fait connaissance lors de la préparation d’un autre projet et de là est né le respect mutuel qui existe entre nous.

Pierre Ratelle m’a été présenté par Carlo il y a quelques mois.  Il démontre beaucoup de détermination et d’enthousiasme pour ce projet.  Il a le lourd mandat des dossiers marketing et commandite.  Alors, on fait attention à lui, hein !  Et cela, même s’il est flic.  Ce qui le sauve, c’est qu’il est excellent skieur et un bon gars.

Une question quelque peu saugrenue me vient à l’esprit.  Est-ce monnaie courante de former une équipe de trois pour de telles expéditions ? Je pense à d’autres aventures semblables et il me semble que souvent nous entendons parler d’expédition en solo (comme celle du polonais Marek Kamiñski qui a traversé le pôle sud en 1995) ou en duo (comme celle des canadiens Bernard Voyer et Thierry Petry qui tous deux ont atteint le pôle sud en 1996).  Lorsque vous aurez des décisions à prendre ne craignez-vous pas de vous chicaner à deux contre un ?  Ou alors êtes vous de vrais mousquetaires : “ tous pour un, un pour tous ” ?

Le nombre de participant n’est pas si important que cela.  Ce qui compte, c’est l’intérêt susciter, la volonté de réussir et l’énergie déployée par chacun.  Nous avons tous nos forces et faiblesses, il faut les connaître et composer avec.  Nous devons aussi être raisonnables et respectueux entre nous pour favoriser une bonne harmonie, surtout lorsque la fatigue nous gagne et que la tolérance devient alors fragile.

Peux-tu nous expliquer comment est né ce projet ?  L’un de vous s’est t’il tout bonnement réveillé un matin et a décidé d’aller rendre visite au Père Noël ?

Carlo et Pierre ont commencé à monter ce projet l’automne dernier.  Ils m’ont approché dès ce moment, mais j’avais d’autres engagements, il n’était pas évident que je pourrai me libérer.  Ils m’ont donné un sursis de quelques semaines.  Finalement et heureusement, c’est au début du mois de janvier que j’ai pu me joindre à eux.

En d’autres termes, peux-tu nous expliquer c’est quoi le “trip” d’aller là bas ? S’agit t-il d’un défi personnel, d’une épreuve afin de pousser encore plus loin ses limites ou tout simplement la quête de nouvelles aventures ?

Le “ trip ” pour moi, c’est d’abord et avant tout le plaisir quotidien de me diriger à skis dans un inconnu enneigé et non tracé, d’assouvir cette passion sauvage qui m’anime, cette liberté de vivre qui m’apporte des satisfactions indéfinissables.

Atteindre le pôle Nord magnétique m’apportera certes une grande satisfaction, mais ce n’est qu’un point qui en rêve est un lieu insolite et mystérieux.  L’important c’est d’aimer ce que je fais au quotidien.  Il faut cependant se fixer des buts à atteindre pour donner un sens aux expéditions et aussi pour se motiver à aller toujours plus loin.  Le fait que je me retrouve dans ce genre d’aventure n’est pas le fruit du hasard.

D’où partirez-vous et quelle route allez-vous emprunter pour atteindre votre but ?

Combien de kilomètres pensez-vous avoir à skier ?

Nous partirons de Resolute Bay sur l’île de Cornwallis dans l’arctique canadien.  Nous allons parcourir environ 700 km de banquise avant de faire quelques kilomètres sur le glacier de l’île de Elf-Rignes.  C’est là que se trouve le pôle Nord magnétique.

Combien de temps vous allouez-vous pour couvrir une telle distance ?

Cela représente combien d’heures de ski quotidiennement ?

Nous partirons avec ce qu’il faut pour 60 jours d’autonomie.  Nous prévoyons cependant faire le trajet en moins de 50 jours.  Nous allons skier de 7 à 12 heures par jour.  Au début, nous serons lents, question de poids en nourriture et en carburant qui par contre diminuera au fil des jours.

Quels seront les principaux obstacles que vous allez devoir affronter ?  Je pense ici non seulement aux caprices de madame météo mais également au relief du terrain et autres facteurs externes tel que la rencontre éventuelle d’ours qui émergeront tout juste de leur période d’hibernation.

La plus grande source de dangers, demeure de loin le vent.  Ce puissant courant soufflant sans heurt dans l’immensité polaire laisse peu de place à l’erreur.   Le blizzard peut arracher et emporter tout, tente, mitaines et autres.  En quelques secondes, le facteur éolien peut provoquer des engelures graves sur toute partie de chaire dénudée.

Il y a des risques inhérents de circuler sur une banquise.  Le flux et reflux des marées et les courants marins peuvent ouvrir des fissures béantes à tout moment. Le dégel peut avoir pour effet de scinder la glace en plaques et nous amener à la dérive.

Quant à l’ours polaire, c’est bien sûr un prédateur que nous ne pouvons ignorer.  Mais nous allons prendre nos précautions.

Un dernier obstacle, plus subtil, c’est nous même.  Lorsque l’usure du temps viendra ronger sournoisement la motivation initiale.  L’effort doit être dosé à la limite d’une zone de confort très relative.  Ce facteur est très important si nous ne voulons pas écoper après plusieurs jours d’activités intenses.

Comment se prépare t-on pour une telle expédition ?  J’imagine que vous allez lu de nombreux récits et livres et suivez tous un programme d’entraînement adapté.  Peux-tu nous en parler ?

J’ai presque tout lu sur le sujet, plusieurs récits et même des encyclopédies.  Toujours à l’affût de reportages et même de conférences.

Physiquement, il ne faut pas s’improviser aventurier.  C’est un très long parcours,  beaucoup plus long que les expéditions elles-mêmes. Il faut en faire une façon de vivre et non une discipline imposée.

Parcourir de telles distances demande énormément d’énergie.  Quel mode d’alimentation allez-vous adopter afin d’avoir un apport en calories adéquat tout en sachant que vous êtes limités par la charge que vous pouvez transporter ?

J’ai la chance d’avoir pour amie, Christine Chénard, du Centre d’innovation Technologique Agro Alimentaire.  Elle est nutritionniste et elle a préparé des repas qui ont contribué à la réussite de bon nombre d’expéditions telles le pôle Sud, L’Everest, le Groenland, l’Acconcagua…  Christine nous préparera des repas dont l’apport calorifique quotidien frisera les 6000 calories.

Quant à l’équipement, peux-tu nous dresser une liste de ce que vous apporterez ?  Quels appareils d’orientation et de communication allez vous utiliser ?

Dresser une liste d’équipement serait trop long, mais chaque pièce d’équipement est judicieusement pensée.  Une pré-expédition qui se veut un banc d’essais de tout matériel est d’ailleurs essentiel pour s’assurer que nous ferons les bons choix.

Le G.P.S. (Global Positioning System) et les cartes seront nos principaux outils de navigation car la boussole est inutilisable à proximité d’un pôle magnétique.

Vous partez en autonomie totale, cela veut-il dire que vous serez complètement coupés du reste du monde ou aurez vous la possibilité de communiquer afin de faire part de votre progression ou au cas où l’un d’entre vous devrait être évacué ?

Nous tentons présentement d’obtenir un téléphone satellite qui nous permettra de communiquer avec le monde extérieur afin de faire part de notre progression et qui assurera notre évacuation à la fin de notre périple.

J’imagine qu’un tel projet est onéreux.  Peux-tu nous indiquer le montant des frais que représente une telle entreprise et comment vous avez amassé une telle somme ?  Bénéficiez-vous de commanditaires ?

Un tel projet est très onéreux.  Nous avons estimé les coûts du projet à 20,000$.  Heureusement, nous avons des commanditaires qui ont déjà investi certaines sommes d’argent.  Cependant, tout n’est pas couvert… C’est pourquoi nous vendons des chandails de l’expédition au coût de 15$ (voir photo ci-dessous).

Dernière question, aurons-nous la chance de suivre votre progression ?  Votre expédition sera t-elle médiatisée ?

Michel Barette et Guildor Roy qui animent l’émission du matin à la station radiophonique CKMF 94,3 couvriront l’événement.  Il sera également possible de nous suivre sur internet
Lien :
ExpeditionPoleNord.com

Merci Bruno.  Nous te souhaitons bonne chance dans les traces de Nansen et invitons nos lecteurs à garder à l'esprit que moins d'êtres humains ont atteint le Pôle Nord que d'alpinistes le sommet de l'Everest !
 

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