Salut Bruno. Avant de parler de ta future expédition qui te conduira au pôle Nord magnétique au printemps prochain, jaimerais te poser quelques questions à propos de ton rôle au sein de la
patrouille. Depuis combien de temps es-tu membre de la patrouille canadienne de ski et quelles sont les motivations qui ty ont conduit ?Je suis membre de la patrouille depuis 1981, toujours à la section nordique et à lauberge du Ptit Bonheur. Ce qui ma conduit dans la patrouille, cest ma passion pour le ski nordique.
Au cours de ces nombreuses années de patrouille quels sont les événements qui tont le plus marqué et dont tu aimerais nous faire part ?
Mes premières années alors que nous ne savions pas encore à quoi allait ressembler la patrouille nordique. Cétait un petit qui devait grandir et nous devions modeler les bases. Jai vraiment tripé à développer, à inventer, à essayer ; Il fallait être visionnaire. Jy ai mis du temps, de lénergie, du plaisir et cela a fonctionné. Aujourdhui, jai le privilège dobserver la patrouille nordique continuer à cheminer tout en faisant une chose que jaime
beaucoup, cest à dire, simplement patrouiller.
Parlons maintenant de ton projet datteindre à skis le pôle Nord magnétique et ce en autonomie totale. Peux-tu tout dabord expliquer ou rappeler à nos lecteurs la différence entre le pôle Nord géographique et le pôle Nord magnétique et pourquoi avoir opté pour ce dernier ?
Les pôles géographiques, le nord et le sud, sont les axes de rotation de la terre. Quant aux pôles magnétiques, nord et sud, ce sont
les points dintersection avec la surface terrestre du champ magnétique qui traverse notre planète. Ce sont les pôles magnétiques qui attirent laiguille aimantée des boussoles dans leur direction, nord ou sud, tout dépend dans quel hémisphère on se trouve.
Si je ne me trompe, vous serez trois à prendre part à cette aventure. Peux-tu nous dire quelques mots à propos de tes coéquipiers ?
Carlo Ianni, vous lavez sans doute deviné, est italien ! Il est venu
planter ses tomates à Rosemère, il y a environ trente ans et comme par hasard, il sest enraciné avec !? Mais, il fait du bon vin, alors ça excuse bien des choses. Carlo a déjà fait une tentative au pôle Nord géographique et possède une carte de route très impressionnante. Nous avons fait connaissance lors de la préparation dun autre projet et de là est né le respect mutuel qui existe entre nous.
Pierre Ratelle ma été présenté par Carlo il y a quelques mois. Il
démontre beaucoup de détermination et denthousiasme pour ce projet. Il a le lourd mandat des dossiers marketing et commandite. Alors, on fait attention à lui, hein ! Et cela, même sil est flic. Ce qui le sauve, cest quil est excellent skieur et un bon gars.
Une question quelque peu saugrenue me vient à lesprit. Est-ce monnaie courante de former une équipe de trois pour de telles expéditions ? Je pense à dautres aventures semblables et
il me semble que souvent nous entendons parler dexpédition en solo (comme celle du polonais Marek Kamiñski qui a traversé le pôle sud en 1995) ou en duo (comme celle des canadiens Bernard Voyer et Thierry Petry qui tous deux ont atteint le pôle sud en 1996). Lorsque vous aurez des décisions à prendre ne craignez-vous pas de vous chicaner à deux contre un ? Ou alors êtes vous de vrais mousquetaires : tous pour un, un pour tous ?
Le nombre
de participant nest pas si important que cela. Ce qui compte, cest lintérêt susciter, la volonté de réussir et lénergie déployée par chacun. Nous avons tous nos forces et faiblesses, il faut les connaître et composer avec. Nous devons aussi être raisonnables et respectueux entre nous pour favoriser une bonne harmonie, surtout lorsque la fatigue nous gagne et que la tolérance devient alors fragile.
Peux-tu nous expliquer comment est né ce projet
? Lun de vous sest til tout bonnement réveillé un matin et a décidé daller rendre visite au Père Noël ?
Carlo et Pierre ont commencé à monter ce projet lautomne dernier. Ils mont approché dès ce moment, mais javais dautres engagements, il nétait pas évident que je pourrai me libérer. Ils mont donné un sursis de quelques semaines. Finalement et heureusement, cest au début du mois de janvier que jai pu me joindre à eux.
En dautres termes,
peux-tu nous expliquer cest quoi le trip daller là bas ? Sagit t-il dun défi personnel, dune épreuve afin de pousser encore plus loin ses limites ou tout simplement la quête de nouvelles aventures ?
Le trip pour moi, cest dabord et avant tout le plaisir quotidien de me diriger à skis dans un inconnu enneigé et non tracé, dassouvir cette passion sauvage qui manime, cette liberté de vivre qui mapporte des satisfactions indéfinissables.
Atteindre le pôle Nord
magnétique mapportera certes une grande satisfaction, mais ce nest quun point qui en rêve est un lieu insolite et mystérieux. Limportant cest daimer ce que je fais au quotidien. Il faut cependant se fixer des buts à atteindre pour donner un sens aux expéditions et aussi pour se motiver à aller toujours plus loin. Le fait que je me retrouve dans ce genre daventure nest pas le fruit du hasard.
Doù partirez-vous et quelle route allez-vous emprunter pour atteindre votre but ?
Combien de kilomètres pensez-vous avoir à skier ?
Nous partirons de Resolute Bay sur lîle de Cornwallis dans larctique canadien. Nous allons parcourir environ 700 km de banquise avant de faire quelques kilomètres sur le glacier de lîle de Elf-Rignes. Cest là que se trouve le pôle Nord magnétique.
Combien de temps vous allouez-vous pour couvrir une telle distance ?
Cela représente combien dheures de ski quotidiennement ?
Nous partirons avec ce quil faut pour 60 jours dautonomie. Nous prévoyons cependant faire le trajet en moins de 50 jours. Nous allons skier de 7 à 12 heures par jour. Au début, nous serons lents, question de poids en nourriture et en carburant qui par contre diminuera au fil des jours.
Quels seront les principaux obstacles que vous allez devoir affronter ? Je pense ici non seulement aux
caprices de madame météo mais également au relief du terrain et autres facteurs externes tel que la rencontre éventuelle dours qui émergeront tout juste de leur période dhibernation.
La plus grande source de dangers, demeure de loin le vent. Ce puissant courant soufflant sans heurt dans limmensité polaire laisse peu de place à lerreur. Le blizzard peut arracher et emporter tout, tente, mitaines et autres. En quelques secondes, le facteur éolien peut
provoquer des engelures graves sur toute partie de chaire dénudée.
Il y a des risques inhérents de circuler sur une banquise. Le flux et reflux des marées et les courants marins peuvent ouvrir des fissures béantes à tout moment. Le dégel peut avoir pour effet de scinder la glace en plaques et nous amener à la dérive.
Quant à lours polaire, cest bien sûr un prédateur que nous ne pouvons ignorer. Mais nous allons prendre nos précautions.
Un dernier obstacle, plus subtil,
cest nous même. Lorsque lusure du temps viendra ronger sournoisement la motivation initiale. Leffort doit être dosé à la limite dune zone de confort très relative. Ce facteur est très important si nous ne voulons pas écoper après plusieurs jours dactivités intenses.
Comment se prépare t-on pour une telle expédition ? Jimagine que vous allez lu de nombreux récits et livres et suivez tous un programme dentraînement adapté. Peux-tu nous en parler ?
Jai presque tout lu sur le sujet, plusieurs récits et même des encyclopédies. Toujours à laffût de reportages et même de conférences.
Physiquement, il ne faut pas simproviser aventurier. Cest un très long parcours, beaucoup plus long que les expéditions elles-mêmes. Il faut en faire une façon de vivre et non une discipline imposée.
Parcourir de telles distances demande énormément dénergie. Quel mode dalimentation allez-vous adopter afin davoir
un apport en calories adéquat tout en sachant que vous êtes limités par la charge que vous pouvez transporter ?
Jai la chance davoir pour amie, Christine Chénard, du Centre dinnovation Technologique Agro Alimentaire. Elle est nutritionniste et elle a préparé des repas qui ont contribué à la réussite de bon nombre dexpéditions telles le pôle Sud, LEverest, le Groenland, lAcconcagua
Christine nous préparera des repas dont lapport calorifique quotidien frisera les
6000 calories.
Quant à léquipement, peux-tu nous dresser une liste de ce que vous apporterez ? Quels appareils dorientation et de communication allez vous utiliser ?
Dresser une liste déquipement serait trop long, mais chaque pièce déquipement est judicieusement pensée. Une pré-expédition qui se veut un banc dessais de tout matériel est dailleurs essentiel pour sassurer que nous ferons les bons choix.
Le G.P.S. (Global Positioning System) et les cartes
seront nos principaux outils de navigation car la boussole est inutilisable à proximité dun pôle magnétique.
Vous partez en autonomie totale, cela veut-il dire que vous serez complètement coupés du reste du monde ou aurez vous la possibilité de communiquer afin de faire part de votre progression ou au cas où lun dentre vous devrait être évacué ?
Nous tentons présentement dobtenir un téléphone satellite qui nous permettra de communiquer avec le monde extérieur afin de
faire part de notre progression et qui assurera notre évacuation à la fin de notre périple.
Jimagine quun tel projet est onéreux. Peux-tu nous indiquer le montant des frais que représente une telle entreprise et comment vous avez amassé une telle somme ? Bénéficiez-vous de commanditaires ?
Un tel projet est très onéreux. Nous avons estimé les coûts du projet à 20,000$. Heureusement, nous avons des commanditaires qui ont déjà investi certaines sommes
dargent. Cependant, tout nest pas couvert
Cest pourquoi nous vendons des chandails de lexpédition au coût de 15$ (voir photo ci-dessous).