Histoire de gardien de phare

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Le métier de gardien de phare n’existe pratiquement plus de nos jours. Relayé par des automates, les phares furent longtemps laissés à la charge de gardiens souvent oubliés, ponctuant les mers de Bretagne (et de toutes les mers du monde) de lumières tournantes pour avertir les navires des dangers de la côte et baliser les routes marines. L’histoire qui suit est authentique et située dans le temps, la simple et discrète histoire d’une famille de gardiens de Phare.

(…)

A la pointe nord-est de Belle-Île, le phare de Kerdonis veille sur les navires croisant dans les parages. Il signale la présence de la côte rocheuse. En 1911, le gardien du phare s’appelle Matelot. Il est en charge de cet édifice. Il y vit, en compagnie de sa femme et de ses quatre enfants, de quinze à quatre ans.

Une fin d’après-midi du mois de mars 1911, il démonte le mécanisme afin de procéder au nettoyage périodique réglementaire. Soudain, il a un violent malaise. Il crie, sa femme l’entend, vient l’aider à descendre, et à se coucher. Il est 17 heures. Le malaise était très sérieux, puisqu’une demi-heure plus tard, il décède. Il est dix sept heures trente, l’heure d’allumer le phare. La femme, luttant contre son chagrin, monte donc procéder à l’allumage, et redescend pleurer auprès de son mari. Quelques minutes plus tard, la fille aînée dit à sa mère que le phare ne tourne plus. La mère remonte, et relance le mécanisme, qui va de nouveau s’arrêter quelques minutes plus tard. Le gardien, paralysé par son malaise, n’a pas eu le temps de remonter correctement le mécanisme. On saura plus tard qu’un boulon est resté desserré. C’est la raison pour laquelle le phare s’arrête après quelques tours.

Or, la nuit tombe, et ce phare ne doit s’arrêter sous aucun prétexte. Alors la mère demande à ses deux aînés, la fille de quinze ans et le garçon de treize ans, de monter et de relancer le mécanisme dès qu’il s’arrêtera.

Et, durant toute la longue nuit, conscients de leur lourde responsabilité, les deux enfants se relaieront pour accomplir leur tâche, en se pinçant pour ne pas s’endormir, pendant que leur mère fait la toilette du mort et le veille…

Le lendemain, madame Matelot va à pied au Palais, situé à 12 kilomètres, pour mettre le contrôleur au courant de ce qui est advenu. Celui-ci ne s’était
rendu compte de rien, puisqu’il avait vu le phare fonctionner normalement. Il va toutefois se rendre sur les lieux, et procède à la réparation, c’est-à-dire au serrage du boulon. Par ailleurs, il va s’occuper de faire rapidement nommer un autre gardien pour le phare de Kerdonis. Celui-ci va arriver pour prendre ses fonctions.

Cependant, madame Matelot voit qu’elle va se retrouver à la rue et sans ressources avec ses quatre enfants. L’administration calcule le montant des jours de travail de Matelot durant le dernier mois, et ce pécule se monte à 50 francs 30. Mais cette somme va mettre beaucoup de temps pour arriver jusqu’à la veuve. Plus d’un mois se passe sans qu’elle ait touché cette somme. Plusieurs fois par semaine, poussée par l’urgence qu’elle a de nourrir ses enfants, elle prend à pied la route du Palais. A chaque fois, elle s’entend dire que son argent n’est toujours pas arrivé.

Par ailleurs, elle a écrit pour demander un poste dans un phare. C’est tout ce qu’elle sait faire. Mais le temps passe, et rien ne se passe. C’est alors qu’un responsable, touché par la détresse de la veuve, fait part à un journaliste de cette cruelle situation. Un article paraît dans la presse locale, bientôt repris par l’ensemble de la presse nationale. L’affaire fait grand bruit, à tel point que, quelques jours plus tard, la somme de 50 francs 30 est enfin versée à madame Matelot.

Quelque temps après, elle se verra enfin notifier sa nomination pour un phare doté d’un jardin pour assurer la nourriture de ses enfants.

Enfin, le retentissement de cette affaire relayée par la grande presse fut tel qu’une souscription spontanée réunit une somme de dix mille francs. Ce pécule imprévu mit la veuve Matelot et ses enfants à l’abri du besoin de façon définitive.

Source : {encode=”pierrepp@club-internet.fr” title=”Pierre”} / 14 juillet 2005 @ france.bretagne.vannes:307

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